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lundi 30 janvier 2012

Interview: un décret de défiance des processus alternatifs

par Marine Babonneau d'actuel avocat: : : : : à la Une : : : : "Un décret de défiance des processus alternatifs" 
L'avocate au barreau de Lille, Dominique Lopez-Eychenié, et présidente de l'Association des professionnels collaboratifs interrégionale (ADPCI) revient sur le décret du 20 janvier 2012 relatif à la résolution amiable des différends.
 Interview. 

 Quelles sont les nouveautés et précisions apportées par le décret ?
Nous savions que le ministère de la justice avait indiqué pour la transposition de la directive médiation que le Gouvernement avait sollicité le Conseil d'Etat pour l'éclairer sur les choix qui pourraient être faits. Le rapport remis par le Conseil d'Etat le 29 juillet 2010 relevait la nécessité d'apporter plus de sécurité juridique (formation des médiateurs, codes de bonne conduite, contrôle de la qualité de la médiation, libre circulation des titres issus des accords de médiation...). S'agissant des dispositions de nature législative, le Parlement a habilité le Gouvernement à légiférer par voie d'ordonnance dans le cadre de la loi de simplification et d'amélioration de la qualité du droit. Un décret d'application commun était attendu pour fixer les modalités pratiques des textes législatifs concernés sacahnt Un décret d'application, rappelons le. ne peut ni ajouter ni retirer à celle-ci. Mais celui-ci fixe un certain nombre de règles extrêmement précises et parfois excessives pour les recours à la conciliation, la médiation et la procédure participative que ce soit dans un cadre conventionnel ou judiciaire. Parfois, on s'éloigne fort de la liberté contractuelle sous couvert de sécurité juridique et plus encore des principes qui régissent ces modes alternatifs de résolution des conflits. S'il est vrai que dans certains cas, cela puisse être nécessaire quand il y a renonciation à des droits, c'est beaucoup plus choquant pour la procédure participative où chacune des parties est assistée par son avocat qui en fait un acte d'avocat avec toutes les qualités inhérentes au devoir de conseil et d'information de l'avocat pour son client. D'une manière générale, on voit bien que ces modalités visent à permettre un contrôle du juge a posteriori et à faciliter le recours judiciaire et l'homologation judiciaire des accords.

  Concernant la procédure participative, vous pointez, sur votre blog, des risques de confusion avec la simple négociation. Pouvez-vous nous expliquer en quoi et dans quels cas ? La procédure participative telle que précisée ici s'apparente plus à une phase préparatoire au judiciaire et s'éloigne des principes du droit collaboratif qui l'inspire pourtant. Si elle n'a pas cette originalité, on voit mal ce qui la distingue d'une négociation traditionnelle et en cela, on peut s'interroger sur son apport car elle s'apparente à une transaction avec moins de liberté et plus de contraintes. C'est dommage car tout l'intérêt de la pratique collaborative est d'apporter un plus à cette négociation dans un cadre conventionnel respectueux pour les parties et très confidentiel pour faire en sorte que les besoins et les intérêts mutuels des parties soient pris en compte et négociés selon une méthode originale qui renforce la possibilité d'arriver à un accord satisfaisant. En outre, le recours à un technicien s'apparente plus aux règles de l'expertise judiciaire que d'une amiable collaboration.

Le décret fixe également les modalités d'attribution de l'AJ, en cas de procédure participative. Qu'en pensez-vous ? Justement là encore, la procédure participative est rémunérée comme une transaction et il est choquant de voir les contrôles auxquels les avocats seront soumis pour avoir une rétribution dans des cas d'accord partiels puisque l'avocat doit présenter au président du bureau d'AJ en cas d'échec ou d'accord partiel les lettres et documents élaborés ou échangés de nature à établir l'importance et le sérieux des diligences accomplies !

Dans les trois cas (médiation, conciliation et procédure participative), l'accord pourra être soumis à l'homologation du juge compétent. C'est une nouveauté. Est-elle bienvenue ? L'homologation judiciaire est une possibilité et non une obligation qui n'est pas une nouveauté en soi pour rendre les accords exécutoires. Ce qui est nouveau, c'est que même s'il est rappelé que le juge ne peut en modifier les termes, et qu'il statue sur la requête sans débat à moins qu'il n'estime nécessaire d'entendre les parties, il a par les obligations rédactionnelles imposées un contrôle poussé sur le processus d'accord des parties par les explications précises ayant permis la conclusion de l'accord et le contrôle des pièces En conclusion, ce décret m'apparait être un décret de défiance des processus alternatifs au judiciaire et donc de l'amiable. C'est particulièrement choquant pour la procédure participative où chacune des parties est assistée par son avocat, ce que le législateur a expressément souhaité.

lundi 23 janvier 2012

Le Décret n° 2012-66 du 20 janvier 2012 relatif à la résolution amiable des différends

Le décret N°2012-66 que tous les professionnels attendaient est paru et il est applicable dès ce lundi 23 janvier 2012. Il concerne tant les règles applicables à la conciliation, médiation et procédure participative et plus précisément pour l'application de l'ordonnance n° 2011-1540 du 16 novembre 2011 portant transposition de la directive 2008/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2008 sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale ainsi que pour l'application de l'article 37 de la loi n° 2010-1609 du 22 décembre 2010 relative à l'exécution des décisions de justice, aux conditions d'exercice de certaines professions réglementées et aux experts judiciaires. Le décret modifie et complète le code de procédure civile, le code du travail et l'aide juridictionnelle pour la procédure participative. En ce qui concerne la médiation, un accord peut être homologué par le Conseil des Prud'hommes uniquement si le litige est de nature transfrontalière, ce qui est tout de même restrictif et visiblement seulement pour ne pas faire obstacle à la législation communautaire. Il n'est pas normal que s'il y a médiation, il ne soit pas possible d'homologuer l'accord. il en est de même pour la procédure participative. Cela n'empêche pas dans les deux cas de prendre des conclusions d'accord mais le contrôle du juge consulaire s'impose. En ce qui concerne le recours à un conciliateur de justice, le suivi de la conciliation est retracé étape par étape et favorise visiblement ce recours. Pour la procédure participative, elle est visée par les articles 1542 à 1568 du CPC. L'art. 1543 du CPC prévoit qu'elle se déroule selon une procédure conventionnelle de recherche d'un accord et se poursuit, le cas échéant, par une procédure aux fins de jugement. La procédure participative se décline selon si l'accord est entier ou partiel. Elle se distingue par ce décret du droit collaboratif et il est à craindre une confusion ou des dérives qui ne la distingueront pas d'une simple négociation. Il est un peu difficile sans la pratique collaborative d'en voir l'intérêt puisque même en cas d'accord partiel, il y a la nécessité de s'expliquer le cas échéant. En effet, l'article 1555 3° précise " lorsqu'un accord au moins partiel a pu être conclu, il est constaté dans un écrit établi par les parties, assistées de leurs avocats. Il énonce de manière détaillée les éléments ayant permis la conclusion de cet accord." En matière juridictionnelle, le défrayement s'apparente à celui de la transaction; ce qui n'incitera pas même à y recourir car le processus peut en être plus lourd qu'un simple échange en une réunion. Voilà les grandes lignes de ce décret d'ensemble qui ne présente guère de surprises si ce n'est un contrôle du juge sur lesquelles nous reviendrons pour chacun des modes alternatifs concernés.